Coeur de calice

 



Au creux d’un doux calice, un abîme sommeille,
Un empire d’encens, de velours et de miel,
Où l’aube, en s’inclinant, dépose ses merveilles,
Et où meurt, parfumée, la lumière du soleil.

Chaque pétale est un temple, et son ombre recueille
Les soupirs des amants, les pleurs des matins froids ;
Les vents y font offrande, et la rosée s'y cueille
Comme un diamant pur dans le secret des bois.

Ô fleur, minuscule et pourtant infinie,
Tu caches dans ton cœur le vaste firmament,
L’éclair d’un paradis, la plainte d’une nuit,
Et dans ton sein brûlant, de mystérieux amants,
Je lis l’éternité dans l’or de tes parfums,
Comme un monde englouti que respire les humains.

Sous ton écrin délicat d’une corolle close,
L' abîme s’étend, lourd de songes flétris ;
Chaque parfum qui monte est l’âme d’une chose
Que le temps a brisée dans l’ombre de l’oubli.

Tes pétales, fragiles comme chairs condamnées,
Se referment au vent tel un linceul secret ;

Et dans leur nuit dorée, les étoiles fanées
Tombent une à une en poussières figées.

Fleur, berceau du néant, calice du vertige,
Ton cœur est un tombeau où l’infini se fige ;
Et qui boit ton parfum, boit l’amertume de l'éternité,

Car dans ton sein obscur, paré d’ombre profonde,
Dort le vieux désespoir que porte le monde,
Roue du firmament sur ses flancs maltraités.

Sous l’or tendre et léger de tes corolles closes,
Un empire de parfums respire dans la nuit ;
Chaque pétale offre au jour les trésors qu’il dépose,
Et cache en son secret ce que le temps détruit.

L’aube y verse un encens que la rosée prolonge,
Et le vent y dépose un soupir oublié ;
Mais, dans l’abîme où l’ombre épouse le songe,
Sommeille l’infini, grave et prisonnier.

Fleur, calice d'orgueil, calice de vertige,
Tu tiens dans ton parfum splendeur et vestige,
Le baiser de la vie, les cendres du passé ;

Et celui qui s’incline au bord de ton mystère
Y voit, comme un rêve où l’éternel s’altère,
Et un monde englouti qu’un souffle a caressé.

Au creux pourpre et sacré de la fleur sépulcrale
Flamboie l’encens impur du culte défendu ;

Tes pétales, dressés comme vitraux d’opale,
Filtrent le jour sanglant qu’aucun ciel n’a rendu.

Là, des anges déchus ont posé leurs couronnes,
Et l’ombre, agenouillée, y boit un vin amer ;
Les racines s’enfoncent en des gouffres où sonnent
Des chœurs d’âmes perdues suppliant l’univers.

Ô calice maudit, temple d’un divin en cendre,
Qui t’effleure, s’unit à un vertige tendre
Un baiser empoisonné sur les lèvres du Mal ;

Car au cœur de ton sein, dans la nuit qui s’achève,
Couve l’infini funèbre qu’aucune main ne soulève
Sans risquer de se brûler au feu infernal.

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