I — L’étincelle dans la cendre
Au fond des jours, tout est cendre profonde,
Les heures s’écoulent, grises, au plomb lié ;
Et dans la nuit sans astre où s’efface le monde,
Tremble un feu misérable, à demi oublié.
Parfois, je le maudis — il m’ordonne de vivre,
Me condamne aux tourments d’un souffle inachevé ;
Parfois, je le protège, et mes mains veulent suivre
Le dernier souffle chaud d’un mourant aimé.
Il lui suffit parfois d’un parfum qui s’attarde,
Ou d’un éclat volé dans l’ombre du sommeil,
Pour dresser sa flamme, hésitante et hagarde,
Contre l’indifférence où se brise la veille.
Mais je sais que, s’il meurt, je tomberai sans plainte
Dans un vide où la mort n’a même plus de voix ;
Et moi, je le nourris, de ma chair éteinte,
Pour qu’il me brûle encore… jusqu’au dernier choix.
II — L’étincelle maudite
Au fond des nuits, tout s’illumine encore,
Un feu têtu s’accroche au bord du néant ;
Et dans mes veines froides il ronge, il dévore,
Me refusant le repos qu’apporte le néant.
Parfois, je le supplie de s’éteindre et se taire,
De me livrer enfin au sommeil sans retour ;
Mais il persiste, ardent, et son souffle m’enserre,
Comme un geôlier jaloux des restes de mes jours.
Il lui suffit d’un rêve, épars dans la poussière,
Ou d’un éclat ancien qui ouvre une vieille douleur,
Pour rallumer sa flamme et me lier à la pierre
Des heures à traîner, sans fin, dans la pâle lueur.
Et je sais que jamais il ne brisera l’ombre,
Que je porterai seul son fardeau de terreur ;
Il me garde debout, dans un monde qui sombre,
Prisonnier de son feu — et de mes propres peurs.
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